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Immigration: Les jeunes Algériens se jettent à l’eau pour fuir le manque d’avenir

2010-12-30

Les Algériens tentent d’endiguer le flux d’émigrants qui quittent clandestinement leur pays sur des embarcations de fortune, dans l’espoir de trouver une vie meilleure en Europe.

Le 13 décembre, le tribunal d’Aïn Turck, près d’Oran, a jugé une impressionnante « charrette » de fuyards. Ces 69 « harragas », comme on appelle en Algérie les clandestins qui prennent des embarcations de fortune pour fuir leur pays, avaient été interceptés par les garde-côtes algériens.



Ces émigrants ont été condamnés à des amendes, alors que la législation prévoit des peines de prison pour les ressortissants algériens qui tentent de quitter clandestinement leur pays. « Les condamner au vu des motivations qui les poussent au départ serait cruel », a commenté un avocat qui assistait au procès, ajoutant : « On les comprend un peu… »



Le quotidien El Watan, qui rendait compte de ce procès, a publié une longue enquête sur ce phénomène des « harragas », qui s’amplifie d’année en année.



Avec mille kilomètres de côtes, qui courent du Maroc à la Tunisie, l’Algérie offre une façade maritime difficilement contrôlable. Les clandestins qui veulent fuir empruntent principalement deux routes. La première, à l’est, leur permet de gagner l’Italie et la Sardaigne, terres européennes les plus proches. En cas de coup dur, les fuyards peuvent se réfugier en Tunisie.



La seconde route de l’exil débute sur les plages oranaises, pour gagner l’Espagne via les Baléares. Ce serait la plus empruntée à l’heure actuelle.



« Rendre l’espoir perdu aux jeunes »



C’est aussi, selon l’enquête d’ El Watan, l’une des plus lucratives pour les organisateurs de départ. Un de ces parrains de la mer affiche sa prospérité sous forme d’une somptueuse villa à deux étages, sans oublier les grosses voitures qui désignent souvent, en Algérie, des fortunes bâties hâtivement. À plus de 1000 euros le voyage, le passeur peut faire des bénéfices rapidement, en raison d’une forte demande.



Cette ruée vers la Méditerranée s’explique aussi par la diversité des candidats à l’exil européen. Les jeunes sans avenir ne sont plus seuls à tenter l’aventure, au péril de leur vie.



La situation est devenue telle que le gouvernement s’en est expliqué récemment devant le Parlement algérien, lors du débat de politique générale. La sénatrice Zohra Drif, héroïne de la résistance pendant la guerre d’Algérie, a interpellé le Premier ministre : « Parmi les harragas, figurent des jeunes chômeurs, de jeunes diplômés, des femmes avec leurs enfants… Ce n’est pas normal. Il faut traiter ce phénomène à la base, par l’éradication de ses causes, à commencer par rendre l’espoir perdu aux jeunes. »



L’émigration maritime est également synonyme de tragédies. On ignore le nombre exact de malheureux qui ont payé de leur vie leur espoir dans une vie meilleure.



600 corps en Espagne



En janvier 2009, le quotidien Le Soir d’Algérie révélait que « 600 dépouilles de harragas algériens risquent d’être incinérées en Espagne ». Ce chiffre avait été avancé par l’Association des disparus en mer. Les Espagnols avaient alerté les autorités algériennes pour qu’elles assurent le transfert des dépouilles des péris en mer.



En Algérie, les familles pleurent leurs enfants engloutis. El Watan citait dans son enquête ce qui se raconte dans les ports près d’Oran : « Il y a quelque mois, les crevettes pêchées dans les environs étaient trop grosses, parce qu’elles se nourrissaient des dépouilles des harragas perdus en mer… »



Peu importent les risques ou le retour forcé au pays, la Méditerranée attire toujours les candidats au départ. Ils ne veulent retenir que les récits de ceux qui ont réussi, et leur traversée et leur vie en Europe.



Raymond Couraud Le Pays.fr



          


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