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Les gangs des autoroutes font la loi

2010-04-26

Comme si les accidents et les embouteillages ne suffisaient pas, le phénomène des agressions vient compliquer davantage la situation sur nos routes.


Les routes et autoroutes sont devenues, ces derniers temps, de véritables coupe-gorge. Non pas à cause des accidents de la circulation mais en raison du phénomène des agressions. La majorité des victimes sont de pauvres automobilistes tombés en panne en pleine nuit, dans des zones isolées. Cela se passe alors que les postes de gardes mobiles sont quasi inexistants. Témoignages.


Une vie brisée sur une maudite autoroute...

«Ils étaient quatre. Après m’avoir arrachée de mon véhicule, ils m’ont fait subir un viol collectif. J’avais beau hurler, personne ne m’entendait... Ensuite, ils ont pris le lecteur CD, mon téléphone et mon micro-portable, ainsi que les quelques bijoux et l’argent en dinars et en devises que j’avais sur moi. J’ai eu de la chance qu’ils m’aient laissé le véhicule. Je n’ai pas osé porter plainte car je suis issue d’une famille conservatrice pour qui une femme violée est non pas victime mais coupable. Et depuis ce jour, ma vie n’a plus aucun sens.» Elle, c’est Imane, 35 ans, assistante de direction. Il y a deux mois, elle a emprunté l’autoroute Est-Ouest pour se rendre d’Alger à Sidi Bel Abbès pour une mission dans le cadre du travail. De retour, un groupe d’agresseurs composé de trois individus éméchés et armés de couteaux et de barres de fer ont basculé sa vie dans des abysses infernales. Tout a commencé vers 19 heures, quand elle a pris le chemin du retour sur Alger. Arrivée au niveau d’un endroit isolé à Chlef, elle a entendu un bruit bizarre et sa voiture a failli déraper. Pensant à une crevaison, elle gara son véhicule sur le bas-côté et en sortit pour voir de quoi il retournait.

Malheureusement, des rapaces à la forme humaine étaient à l’affût de la proie facile. Elle fut aussitôt ligotée, dépossédée de ses biens et emmenée de force derrière les bosquets se trouvant non loin de la route. Là, son cauchemar ne faisait que commencer. «J’ai subi les plus atroces sévices pendant plus de deux heures. Jamais je n’oublierai cela», articule-t-elle d’une voix tremblante de peur, de tristesse et de dégoût. Imane est aujourd’hui le fantôme d’elle-même. Ne pouvant surmonter son malheur, elle sombre dans la dépression. Elle a quitté son travail juste après son drame et passe son temps renfermée dans un mutisme qui en dit long sur l’enfer qu’elle a subi au plus profond de sa chair.
Seule sa mère est au courant, mais comme la société algérienne est une société masculine par excellence, elle l’a sommée de ne souffler mot à personne. S’il y avait eu sur ce tronçon des postes de secours, des unités de la gendarmerie chargées de sécuriser l’autoroute ou même une station-service, Imane serait-elle aujourd’hui une âme brisée et un corps souillé? Un mégaprojet dont Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, ne cesse de se targuer, ne devrait-il pas être sécurisé? Combien d’autres victimes a fait cette autoroute?

Des interrogations qui vous harcèlent comme une douleur sourde et lancinante qui vous noie dans un sentiment d’insécurité... La quiétude des usagers est, elle, devenue un enjeu. Les retombées de cet ouvrage capital sur le plan économique ne peuvent être que négatives. Le cas de Imane n’est pas isolé. Malheureusement, de plus en plus d’agressions sont signalées sur des autoroutes même en... plein jour.


Où est passé l’Etat?

L’autoroute Réghaïa-Boudouaou détient également un triste palmarès. Ces trois derniers mois, elle est devenue l’endroit de prédilection pour les voyous sans foi ni loi, qui s’attaquent à tout ce qui bouge, et ce, uniquement à quelques centaines de mètres d’un... barrage fixe de la Gendarmerie nationale.

Un couple et leurs trois enfants en bas âge ont vécu le cauchemar, une journée du début du mois en cours. «Alors que mon mari était cerné par une demi-douzaine de jeunes armés de sabres et de bombes lacrymogènes, mes enfants et moi avons été tirés du véhicule et traînés avec une rare sauvagerie. Voulant nous protéger, mon mari a reçu un coup de couteau au niveau de la cuisse. Les agresseurs se sont ensuite emparés de tout ce qui était en notre possession et se sont volatilisés dans la nature. Nous sommes traumatisés, surtout que c’est arrivé en plein jour», raconte cette mère de famille, toujours sous le choc. Son mari, lui, a tenu à expliquer: «C’étaient des jeunes entre 15 et 25 ans. Ils se sont cachés dans les talus et dès que je suis arrivé à leur niveau, ils ont jeté une grosse pierre sous la voiture, m’obligeant à m’arrêter. Des agressions de ce genre se sont multipliées ces dernières semaines. L’on se demande où est passé l’Etat?»

Mardi 20 avril, un bus de voyageurs a été attaqué par une bande de voyous encagoulés et armés jusqu’aux dents. Selon des témoins oculaires, ils ont forcé la portière du bus en question alors que celui-ci était bloqué dans un embouteillage. Un autre tronçon routier fait également parler de lui. Il s’agit de l’autoroute Alger-Blida où plusieurs automobilistes ont fait les frais de leur «naïveté». Cette fois-ci, ce sont de jeunes agresseurs qui se sont fait passer pour des vendeurs de fruits et légumes.

Plusieurs automobilistes ont été vus pris dans ce traquenard. Les victimes, en particulier, et les usagers de ces tronçons, en général, sont en droit de s’indigner. Ils n’expliquent pas l’absence des autorités alors que ces dernières les obligent à scanner leurs véhicules, être en possession de la vignette, de l’assurance et autres...L’insécurité, elle, continue à régner en maîtresse des lieux. Jusqu’à quand?


Meriam SADAT L'Expression


          


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