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Le marché d'Oujda ou le made in Algéria !!!

2012-02-22


Les importations de l’Algérie sur les marchés à Oujda




70% de l’économie du Maroc Oriental dépend de la contrebande
Les importations de l’Algérie sur les marchés à Oujda





Commerce illicite veut dire «produits algériens écoulés dans cette région est du royaume». Et pour obtenir un indice sur l’ampleur de «l’importation» par les chemins détournés de la marchandise «made in Algeria», un tour au «souk el fellah» du boulevard Allal El Fassi, à Oujda, s’impose. Sur les lieux, tout respire algérien, à commencer par la musique raï stridente qui vous accueille. D’emblée, on est effarés par la présence du lait de vache et de la galette de Maghnia, des limonades l’Exquise et Hamoud Boualem, des yaourt et fromages portant toujours le prix en dinars, de l’eau minérale Mansourah… «Le souk porte bien son nom, n’est-ce pas ?» lance notre ami Abderrahmane, sarcastique.

La semoule, la farine (taxées à 90% au Maroc contre seulement 5% en Algérie) l’huile de table, les œufs, les ustensiles, l’électroménager et l’électronique provenant d’Algérie — des produits pour la plupart subventionnés par l’Etat algérien — sont fortement prisés, essentiellement pour leur prix. «Normal, la ménagère opte pour le moins cher», explique notre interlocuteur, nullement impressionné par notre air médusé. «Vous savez, il y a une sorte de Bourse entre les différents partenaires des deux côtés de la barrière.

Actuellement, 1000 DA algériens sont échangés contre 75 dirhams marocains. Vous comprenez donc qu’une bouteille d’eau minérale de Mansourah d’un litre et demi, achetée 25 DA à Maghnia, Bab El Assa ou Souani (il énumère les villes et villages algériens avec une aisance déconcertante) revient à peine 1 dirham au citoyen marocain, alors que son équivalent marocain de même contenance coûte 6 dirhams. Cela explique donc tout cet intérêt pour le produit algérien...»

Les médicaments importés par le ministère algérien de la Santé sont également proposés. De véritables pharmacies à ciel ouvert. Saïdal y est présente, aussi. D’où la colère des officines officielles qui crient au manque à gagner, en expliquant leur inquiétude par «le danger pour la santé de la population engendré par ces médicaments suspects». Pourtant, ajoute Abderrahim, au fait de tout ce micmac, «un patient opte plus facilement pour la boîte de 30 comprimés d’Azantac (anti-ulcéreux) algérien à 110 dirhams plutôt que pour son équivalent vendu dans les pharmacies : une boîte de 20 comprimés à 190 dirhams».
«Le gasoil algérien, selon un pompiste sur la route de Nador, a provoqué la fermeture d’une vingtaine de stations-service dans cette région. Actuellement, on n’en compte que six, et encore, elles ne font que dans les services, comme le lavage-vidange et très peu dans la vente de carburant, dont seules les institutions publiques sont clientes.»

Ce trafic est tellement vital pour le Maroc que la crise du carburant qui a touché la wilaya de Tlemcen, ces dernières semaines, a alerté les autorités du royaume, si bien que l’Observatoire de la contrebande de la Chambre de commerce d’Oujda a appelé les autorités marocaines à prendre les mesures qui s’imposent afin de prévenir la paralysie de toute la région est du Maroc. Le rapport de cet Observatoire a tiré la sonnette d’alarme : «Les flux de carburant vendus en contrebande peuvent être coupés à tout moment. Ainsi, l’alimentation d’un stock stratégique de carburant national au niveau de l’Oriental s’avère nécessaire.»

Et de souligner, en outre, que «depuis la faillite des stations-service de la région, la majorité des voitures et engins agricoles évoluant dans les villes du Maroc oriental (Oujda, Taourirt, Berkane, Saïdia...) dépendent du carburant algérien dont le prix a connu une hausse de 100%».Voilà un aveu des autorités marocaines sur les «retombées d’un phénomène illégal dont bénéficie le Maroc et dont le préjudice, pour la partie algérienne, serait évalué à des centaines de milliards de dinars (sic) un phénomène contre lequel les Algériens luttent depuis de nombreuses années».

Pour rappel, les éléments de la Gendarmerie nationale de Tlemcen ont saisi, en moins d’une année, plus d’un million de litres de carburant. Quant à la quantité qui est passée entre les mailles du filet, on l’estime à plus de dix fois celle saisie. Pour avoir une idée des «bienfaits» pour nos voisins de cette contrebande, fions-nous à la Chambre de commerce, d’industrie et de services de Oujda qui, dans un récent rapport, a indiqué que «70% de l’économie de la région orientale dépend de la contrebande. Nous estimons le chiffre d’affaires moyen de cette activité à 6 milliards de dirhams par an (…). Le secteur informel emploie plus de 10 000 personnes et couvre l’essentiel des besoins de consommation de l’Oriental». Et Abderrahmane de conclure, toujours sur un ton sarcastique : «Montre-moi le dinar et je te ramène ce que tu veux de Dzaïr !» A méditer…


Chahredine Berriah            El Watan


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